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LES INTENTIONS

Cornelius Castoriadis : « ...l’imagination conditionne des représentations bien réelles du social. Il y a un imaginaire dominant dans la société qui contribue à créer des images stéréotypées des trans dans les médias, sans se préoccuper de savoir si les personnes représentées de cette façon ne se sentiront pas blessées par ce qui est montré. Cet imaginaire commun n’est pas « l’imaginaire de tous » mais « l’imaginaire connu par tous » ... »

Les questions liées à la transidentité sont de plus en plus présentes dans notre société. Les tabous tombent, les personnes trans s'expriment. De nombreuses œuvres culturelles abordent désormais ce sujet avec pertinence et bienveillance, notre société se doit d'ouvrir des débats, des échanges, des rencontres. Des épisodes douloureux ont ouvert la brèche du mur de silence qui entourait jusqu'ici les personnes trans. On se souvient, en 2015, du suicide à l'âge de 17 ans de l'américaine Leelah Alcorn1 qui avait fait beaucoup de bruit, mais qui n'est pas du tout un acte isolé.

La situation est connue depuis toujours mais notre société l'a confinée longtemps dans le registre du trouble mental2. Aujourd'hui les carcans conservateurs reculent devant la modernité, les témoignages et coming out sont quotidiens, personne ne peut tourner le dos à cette question. Nous nous devons d'entrer dans le débat et de participer à l'intégration totale des trans dans nos groupes sociaux3.

L'intimidation et le rejet social sont trop souvent les causes d'automutilations ou de suicides (certaines enquêtes évoquent que 40 % des personnes trans font une tentative de suicide, mais toutes font état d'une grande souffrance, même s'il n'y a pas de passage à l'acte). Il faut arrêter de croire que les trans doivent être « remis sur le droit chemin » et engager notre société dans un vrai débat.

Les questions de société sensibilisent toujours les élèves inscrits en option cinéma. Les jeunes se sentent interpellés et réagissent. Ils savent que le cinéma peut enrichir les débats et participer au rayonnement des idées.

Au lycée Léo Ferré de Gourdon, nous avions agi dans ce sens en 2015, dans le cadre des projets DILCRAH, grâce au très beau scénario de Jérôme Huys (alors élève en Terminale), intitulé « C'est une belle journée » sur le thème de l'homosexualité. Un seul avait écrit le scénario, mais tout le groupe avait participé avec enthousiasme à la réalisation du court-métrage qui avait eu un beau succès (récompense aux Rencontres Lycéennes de Vidéo de Bagnères de Bigorre). A partir de là chaque année nous réalisons un documentaire « Actulycée » qui retrace les différents engagements des lycéens tout au long de l'année scolaire. La lutte contre les discriminations est toujours très présente dans ces réalisations.

Cette année encore, nous voulons ouvrir des débats et y prendre part. A plusieurs moments de l'année 2019, nous chercherons à appréhender la réalité de notre société avec la plus grande ouverture d'esprit possible. L'actualité de l'édition4 et du cinéma5 nous donne des pistes à suivre pour amener chacun à se positionner, à se forger une opinion et à lutter contre ses préjugés. Le moment du lycée est propice à cela. Nous nous proposons donc de rencontrer des professionnels de l'anthropologie et de l'éthique afin que nos débats ne soient pas seulement des échanges, mais aussi une formation de haut niveau qui seule peut permettre de dépasser les à priori.

La musique viendra donner à ces moments toute leur énergie et ajoutera à la réflexion la convivialité qui renforcera les échanges. (actuellement les jeunes entrent en contact avec des groupes de rap et de slam). Des émissions de radio seront réalisées en partenariat avec Décibel FM.

L'expression des participants à ce projet doit être aussi privilégiée. Ainsi, il sera organisé un concours de photos et dessins sur le sujet « Stop au rejet de l'autre ! ». Nous proposons qu'un palmarès soit établi par le vote de tous les élèves du lycée et que les 10 premières œuvres remarquées par les votants soient agrandies et fassent l'objet d'une exposition itinérante dans des lieux institutionnels (Préfectures, Mairies, Hôtels de Région, Hôtels de Département), ou privés cafés, salles des fêtes etc...

En chemin un film documentaire sera réalisé qui permettra aux jeunes réalisateur.e.s de prendre du recul sur tous les événements du projet et à tout.e.s de garder la mémoire de cette démarche citoyenne d'intégration sociale et de reconnaissance de chacun.e.s.

Il est primordial ici de donner à voir et à entendre ce que va donner l'éclosion de ce débat dans notre cité scolaire. Nous n'avons pas à nous positionner, il ne s'agit pas de défendre la cause trans, qui n'en est pas une, il s'agit de rendre compte d'un monde qui change en invitant les élèves et les adultes de notre lycée à entrer dans une problématique devenue aujourd'hui incontournable.

Que la jeunesse sache accaparer les thèmes sensibles de notre société est la preuve d'une maturité accomplie, la preuve que le lycée, au-delà des apprentissages classiques, est lieu lieu aussi de la formation du citoyen responsable dans une société démocratique.